#e-actus - le 18/02/2021

Vers une transformation verte du numérique

Le 12 janvier 2021, le Sénat a adopté une proposition de loi "visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France", issue d’une dynamique et de missions d’information transpartisanes. Elle est aujourd’hui entre les mains de l’Assemblée nationale, qui est en parallèle saisie du projet de loi "Climat et Résilience", mettant en loi les propositions de la Convention citoyenne pour le climat. La convention a fait plusieurs propositions visant à accompagner l’évolution du numérique pour réduire ses impacts environnementaux.

En Europe, le Parlement européen a adopté une résolution le 25 novembre 2020 "Vers un marché unique plus durable pour les entreprises et les consommateurs".

La chaîne de valeur du numérique est longue ; la verdir sans l’écoblanchir ne se fait pas en un coup de pinceau. Il est nécessaire de saisir de nombreux secteurs économiques et de domaines du droit, pour soutenir l’évolution des marchés et généraliser des pratiques vertueuses.

Ces différents textes abordent ainsi de nombreux sujets, et notamment le matériel.

Car le numérique n’est pas qu’une onde wifi, un clic, des messages arrivant en un tintement ou une vision de chaton.

C’est aussi des infrastructures, des équipements, (serveurs, ordinateurs, téléphones, téléviseurs, box, capteurs, objets connectés, etc.) des câbles, des fibres, antennes, émetteurs, et autant de plastiques, alliages ou autres composants, que l’on extrait, assemble, soude et visse ou colle, tout ce processus de fabrication des équipements concentrant à lui seul 80% des impacts environnementaux du numérique.

Ces impacts relèvent principalement de l’extraction de ressources, de l’utilisation d’eau, d’énergie primaire et de l’émission de gaz à effet de serre. Les 20% restant sont générés lors de l’usage que l’on fait de ces équipements (voir notamment, pour les détails et les chiffres, l’étude « iNum2020 », Impact environnementaux du numérique en France, 30 janvier 2021 [1]).

Envisager la partie matérielle du numérique est donc essentiel pour une réglementation efficace en matière d’impacts environnementaux.

Le Sénat a ainsi très justement prévu dans sa proposition de loi, parmi d’autres mesures, un chapitre dédié pour "limiter le renouvellement des terminaux".

Comment ? La proposition de loi prévoit en particulier :

- l’encadrement des pratiques de mises à jour des logiciels : il s’agit ici de laisser au client le choix de n’installer que celles qui sont nécessaires à la conformité du bien : correction de dysfonctionnements et de failles de sécurité, à l’exclusion de mises à jours évolutives qui peuvent surcharger le terminal et en ralentir le fonctionnement ;

- sont proposées également l’allongement de la disponibilité des mises à jour,pendant cinq ans, et la réversibilité des mises à jour non nécessaires à la conformité du bien ;

- l’allongement de la durée de garantie des équipements, de deux à cinq ans : il s’agit ici de faire primer la réparation des biens sur leur remplacement ;

- l’assouplissement des conditions de preuve du délit d’obsolescence programmée, qui s’est révélé inapplicable en l’état, et l’extension de son champ à l’obsolescence logicielle.

Il propose également d’intégrer, dans les achats publics et grands projets numériques, les indices de réparabilité et de durabilité créés par la loi anti-gaspillage et pour l’économie circulaire n° 2020-105 du 10 février 2020, le premier étant aujourd’hui en vigueur et le second entrant en vigueur en 2024.

Le Sénat a en outre prévu que les éco-organismes devraient traiter séparément, aux fins de réemploi, réparation et recyclage, les smartphones et autres terminaux "high tech", des flux globaux des déchets électriques et électroniques - smartphones et réfrigérateurs devraient faire l’objet d’un suivi distinct.

Aujourd’hui, le projet de loi Climat et Résilience prend le pas sur la proposition de loi sénatoriale dans l’agenda surchargé de l’Assemblée nationale. Certaines propositions des sénateurs et de la convention citoyenne pour le climat convergent.

Parviendront-elles à se frayer un chemin au cœur du Journal Officiel de la république française ?

Ces initiatives font écho à la résolution du Parlement européen du 25 novembre 2020, sur le même sujet. Sans valeur législative, cette résolution est toutefois un signe fort de l’ambition qui se forme dans les instances législatives, pour faire évoluer les pratiques de marché en la matière.

Ce serait une première mondiale.



Source: Lise Breteau, Avocate pour village-justice.com