#e-actus - le 19/11/2021

Projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire

Le Sénat a définitivement adopté le projet de loi pour la confiance dans l'institution judiciaire le 18 novembre 2021. Les dispositions controversées relatives au secret professionnel des avocats ont été votées dans les même termes qu'à l'Assemblée nationale avec l'amendement gouvernemental.

L'ambition du projet de loi Dupond-Moretti est de restaurer le lien entre les Français et leur justice. Plusieurs mesures phares ont été entérinées lors des débats parlementaires :

Enregistrement et diffusion des audiences

Les audiences de la justice civile, pénale, économique ou administrative pourront être enregistrées ou filmées « pour un motif d’intérêt public d’ordre pédagogique, informatif, culturel ou scientifique ». L’autorisation sera donnée, après avis du ministère de la Justice, par les chefs de juridiction. Les audiences ne pourront être diffusées qu’une fois l’affaire définitivement jugée. 

Secret professionnel des avocats

Malgré la mobilisation des avocats contre les exceptions au secret professionnel en matière de conseil, les sénateurs ont adopté l'article 3 dans les mêmes termes que les députés. Ainsi le secret professionnel ne sera pas opposable dans les cas de fraude fiscale, corruption et financement du terrorisme, ainsi que pour le blanchiment de ces délits. 

« Le secret du conseil est enfin consacré et protégé dans le Code de procédure pénale. Il ne l'avait jamais été jusqu'alors. Il s'agit d'une avancée incontestable. Mais il faut préciser ici (...) que ce secret du conseil ne bénéficie pas de la même protection constitutionnelle et conventionnelle que celle qui existe pour le secret de la défense. Ce qui explique les trois exceptions pour des infractions limitativement énumérées (terrorisme, fraude fiscale, corruption) » avait expliqué Eric Dupond-Moretti à l'Assemblée nationale lors du dépôt de l'amendement gouvernemental.

Désormais, c’est le juge des libertés et de la détention qui décidera d’une perquisition dans un cabinet d’avocats et non plus le procureur de la République ou le juge d’instruction.

Un recours est possible devant le président de la chambre de l’instruction contre la décision du juge des libertés et de la détention qui validerait une saisie contestée en raison de l’atteinte qu’elle serait susceptible de porter aux droits de la défense. Une motivation renforcée est exigée pour perquisitionner lorsque l’avocat est mis en cause.

Les documents relatifs à l’exercice des droits de la défense, découverts à l’occasion d’une perquisition réalisée dans un autre lieu que le cabinet de l’avocat, sont protégés exactement comme ceux découverts dans le cabinet de l’avocat. Le client chez qui la perquisition aura lieu pourra contester la saisie devant le juge des libertés et de la détention, et la décision pourra faire l’objet d’un recours devant le président de la chambre de l’instruction.

Le secret professionnel couvre non seulement les interceptions téléphoniques mais aussi les données de connexion (fadettes par exemple) qui devront toutes faire l’objet d’une autorisation par le juge des libertés et de la détention.

Crimes en série et « cold cases »

Un pôle national spécialisé dans le traitement des crimes sériels ou non élucidés va être créé. Il sera composé de magistrats spécialisés. Les empreintes génétiques des victimes ou de leurs familles pourront être inscrites au Fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG).

Encadrement des enquêtes préliminaires

La durée des enquêtes préliminaires sera désormais fixée à deux ans, prolongeable d’un an sur décision du procureur de la République. Un régime spécifique est prévu en matière de criminalité organisée et de terrorisme dont les enquêtes pourront durer trois ans, avec une possible prolongation de deux ans. Ces délais pourront être suspendus en cas de demande d’entraide internationale. À tout moment de l’enquête préliminaire, le procureur de la République peut, lorsqu’il estime que cette décision ne risque pas de porter atteinte à l’efficacité des investigations, indiquer à la personne mise en cause, à la victime ou à leurs avocats qu’une copie de tout ou partie du dossier de la procédure est mise à leur disposition et qu’elles ont la possibilité de formuler toutes observations qui leur paraîtraient utiles. Le "droit de se taire" à tous les stades de la procédure est gravé.

Cours criminelles départementales

Les cours criminelles ont été créées à titre expérimental par la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

L'expérimentation en cours s'achèvera le 1er janvier 2022.

Les cours criminelles départementales, composées uniquement de cinq magistrats et compétentes pour les crimes punis de 15 ou 20 ans de réclusion, seront généralisées au 1er janvier 2023. Un comité d’évaluation, composé de quatre parlementaires, est institué afin de continuer à évaluer l’expérimentation. 

Déontologie des professions du droit

Le texte prévoit le renforcement de la déontologie et des procédures disciplinaires concernant les professionnels du droit (notaires, greffiers des tribunaux de commerce...) et prévoit la création de chambres de discipline.

« Ce projet de loi est le fruit de mes coups de gueule et de mes coups de sang durant les 36 années pendant lesquelles j’ai porté la robe d’avocat. J’ai vu la confiance en la Justice se déliter. Ministre, je suis très honoré d’avoir pu porter mes réponses et mes solutions dans un projet de loi global que les parlementaires ont adopté. Evidemment, la confiance ne reviendra pas uniquement grâce à ces seules mesures mais elles posent des bases solides sur lesquelles les Etats généraux de la Justice vont pouvoir continuer à construire » commente le ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti.


Source : Arnaud Dumourier pour lemondedudroit.fr